Fusterlandia

À une quinzaine de kilomètres du centre de La Havane, le quartier de Jaimanitas ne ressemble à aucun autre. Ancien village de pêcheurs modeste, il a été entièrement métamorphosé par l’imagination de José Fuster, l’un des artistes les plus emblématiques de Cuba. Ce dernier y a créé Fusterlandia, un univers haut en couleur où chaque mur devient une toile, chaque façade une œuvre, et chaque recoin une célébration de la créativité. Surnommé le “Gaudi des Caraïbes”, Fuster a fait de son quartier un lieu féérique, entre art populaire, mosaïques géantes et poésie visuelle, qui fascine tous ceux qui s’y aventurent.

José Fuster, un artiste au rêve coloré

Né en 1946 à Villa Clara, José Antonio Rodriguez Fuster s’installe à La Havane pour étudier les arts plastiques à l’École nationale des instructeurs. Il se passionne très tôt pour la peinture, la céramique et la sculpture, disciplines qu’il perfectionne au fil des années. Exposé à l’international, il est influencé lors de ses voyages par des maîtres européens comme Picasso, Brâncusi et surtout Gaudi, dont l’esthétique moderniste l’amène à imaginer, pour son propre pays, un projet artistique populaire et immersif.

En 1975, Fuster emménage dans une modeste maison en bois à Jaimanitas, un village de pêcheurs défavorisé à l’ouest de La Havane. Il décide alors de réaliser son rêve : transformer son lieu de vie en un espace artistique total. Il commence par recouvrir sa maison de créatures marines, de figures humaines, de sirènes, de coqs et de symboles caribéens. Rapidement, sa maison devient un véritable labyrinthe artistique, des fondations au toit en passant par la piscine.

Fustelandia, un quartier devenu oeuvre d’art

Ce qui a commencé comme une simple maison décorée devient bientôt un mouvement collectif. Fuster propose à ses voisins de participer, et plus de 80 maisons acceptent de se prêter à son art. Le quartier entier se transforme : les murs, les bancs, les toitures, les portails, les arrêts de bus deviennent des supports d’une création foisonnante et joyeuse.

Baptisé Fusterlandia, ce village artistique s’inspire autant de la culture cubaine que de l’imaginaire de Fuster. On y retrouve des palmiers, des poissons, des scènes de dominos, des symboles de la Santeria, ou encore des messages de paix comme “Viva Cuba” ou “No Guerra”.

Une démarche communautaire et engagée

Fusterlandia n’est pas seulement une explosion de couleurs ou un chef-d’œuvre à ciel ouvert, c’est avant tout une œuvre collective née d’un rêve d’un homme et nourrie par la solidarité d’un quartier. Dès le début, José Fuster a tenu à faire de son art un projet engagé, en invitant les habitants de Jaimanitas à participer à la transformation de leur environnement. Il ne se contente pas de décorer sa maison : il restaure des habitations, embellit des écoles, pare les arrêts de bus et les centres médicaux de fresques vibrantes, redonnant ainsi une âme à ce modeste quartier de pêcheurs.

Avec le soutien des riverains et grâce aux revenus tirés de la vente de ses œuvres, l’artiste finance des initiatives sociales et culturelles, offrant du travail à ceux que la crise des années 1990 avait durement touchés. Peu à peu, plus de 80 maisons et bâtiments sont “fustérisés”, dans un élan communautaire unique à Cuba. Le projet, baptisé “La joie de vivre”, prend vie dans chaque coin de rue.

Au fil des années, Fusterlandia devient un symbole d’art populaire et participatif, où le moindre détail (une arche, une façade, une citation, etc.) porte l’empreinte d’un rêve collectif. Loin de s'essouffler, le projet continue de s’étendre. Aujourd'hui encore, Fuster travaille dans son atelier, tout en imaginant la suite de ce monde fantasque qu’il espère voir perdurer après lui. Une nouvelle génération d’artistes locaux s’épanouit à son contact, et Jaimanitas, désormais haut lieu de la création cubaine, accueille des visiteurs du monde entier, venus découvrir cette utopie où l’art devient moteur de transformation sociale.

Pourquoi visiter Fusterlandia ?

En flânant dans les rues de Fusterlandia, chaque pas vous plonge dans un monde vibrant où l’art populaire cubain s’exprime avec audace et poésie. Ce quartier réinventé par José Fuster est une immersion totale dans l’univers du réalisme magique, mêlant l’héritage paysan, les couleurs caribéennes et la mer, dans un décor inspiré de Gaudi, Picasso et des traditions locales. Ce qui fut autrefois une zone modeste en périphérie de La Havane est aujourd’hui une galerie en plein air, étendue sur trois niveaux, qui attire de nombreux visiteurs.

On y découvre un foisonnement de mosaïques, de sculptures et de fresques représentant des pêcheurs, des voitures américaines ou des figures révolutionnaires comme le bateau Granma. Les messages de paix, d’amour et d’espoir côtoient les motifs colorés, insufflant une énergie nouvelle à ce quartier autrefois gris. En gravissant l’escalier de la Casa de Fuster, on accède à un balcon décoré de carreaux, offrant une vue panoramique sur cette jungle artistique.

Le lieu est aussi propice à la rencontre : habitants fiers de leur quartier, artistes locaux ou même Fuster lui-même, encore présent dans son atelier, accueillent les visiteurs avec chaleur. On y trouve également :

• Quelques cafés modestes et boutiques d’artisanat aux façades colorées
• Des maisons privées décorées dans le même style exubérant
• Des coins photogéniques à chaque détour de rue.

Visiter Fusterlandia, c’est vivre une expérience à la fois visuelle, humaine et culturelle, loin des clichés touristiques, au cœur d’un projet artistique devenu un modèle de transformation sociale.

Comment s’y rendre ?

Bien que Fusterlandia fasse techniquement partie de La Havane, cette zone reste en dehors des circuits touristiques classiques, ce qui en fait une escapade originale et colorée.

Pour rejoindre ce véritable musée à ciel ouvert, plusieurs options s’offrent à vous :

• Le taxi reste le moyen le plus rapide et confortable. Comptez environ 25 à 30 minutes depuis La Habana Vieja. Il est recommandé de réserver un taxi à l’heure, pour éviter les difficultés à en retrouver un sur place et profiter éventuellement d’autres arrêts en chemin.
• Les bus touristiques à arrêts multiples (comme ceux partant du Parque Central) peuvent vous déposer à La Cecilia, leur dernier arrêt avant de rebrousser chemin. De là, un court trajet en taxi vous mènera à Jaimanitas.
• Les lignes de bus locales comme la P-1, P-10, T-1 ou T-2 permettent également de rejoindre les environs du quartier, mais le parcours peut être long et parfois complexe. Pensez à informer le chauffeur de votre destination : “Casa de Fuster”.
• Les visites guidées, comme les tours des “contrastes de La Havane” incluent généralement un arrêt à Fusterlandia tout en explorant d’autres quartiers méconnus.

Informations pratiques

L’entrée de Fusterlandia est entièrement gratuite, que ce soit pour déambuler dans les rues colorées du quartier ou pour visiter l’atelier de José Fuster. Toutefois, une petite boîte à dons se trouve à l’entrée : les contributions volontaires permettent de soutenir l’entretien du site et de financer les projets artistiques à venir. Fusterlandia est en général ouvert tous les jours entre 9h et 17h. À noter que la galerie peut parfois être fermée en cas d’événement privé.

Par ailleurs, même si certaines zones du lieu ne sont pas accessibles au public, vous pourrez explorer librement l’essentiel du site, prendre des photos et découvrir les créations de l’artiste. Pour profiter pleinement de l’expérience et échanger avec les habitants dans une ambiance paisible, mieux vaut venir en début de matinée.

Enfin, des œuvres originales de José Fuster sont proposées à la vente dans la galerie au rez-de-chaussée ainsi que dans la boutique à l’étage, située juste en face du bâtiment principal. Vous y trouverez aussi des pièces imposantes ainsi que de petits souvenirs accessibles. Plusieurs voisins se sont également lancés dans la vente de créations artisanales, transformant le quartier en un petit marché vivant durant les heures d’ouverture.