Musée du domaine Guaimaro à Trinidad - Guide Cuba - Cuba Criolla

Musée du domaine Guaimaro à Trinidad

L’hacienda-musée Guaimaro se trouve au coeur du majestueux Valle de los Ingenios, quelques kilomètres de Trinidad, dans la province de Sancti Spiritus. Derrière ses murs silencieux se dévoile l’âme d’une époque révolue, marquée par la richesse sucrière, les intrigues familiales et les traces encore visibles d’un passé esclavagiste. Aujourd’hui transformée en musée vivant, cette demeure coloniale invite les visiteurs à un voyage saisissant entre faste architectural, mémoire douloureuse et patrimoine restauré avec passion. C’est une halte incontournable pour quiconque souhaite comprendre les contrastes et les héritages de la Cuba coloniale.

Entre splendeur sucrière et légendes sombres

La Hacienda Guaimaro incarne à la fois la grandeur coloniale et les zones d’ombre de l’histoire sucrière cubaine. Édifiée à la fin du XVIIIe siècle, cette majestueuse maison de maître fut le joyau de la famille Borrell, l’une des lignées les plus puissantes de l’époque. C’est José Mariano Borrell y Lemus, figure marquante de la troisième génération, qui lui donna sa forme définitive.

À son apogée, le domaine rayonnait dans toute la vallée. En 1827, il atteint un record impressionnant : 8 200 arrobas de sucre produits en une seule zafra, témoignant de sa place de choix dans l’économie de Trinidad. En 1830, Guaimaro comptait 360 esclaves, uniquement des hommes dans les baraquements, soigneusement séparés des 18 femmes domestiques de la maison principale. Cette organisation stricte reflétait la rigueur (voire la cruauté) de Don Mariano, réputé pour ses méthodes impitoyables.

La vie personnelle du maître des lieux n’échappa pas non plus à la controverse. Marié avec Maria Concepción Villafaña (âgée de 15 ans), Don Mariano aurait eu plus de 15 enfants illégitimes avec certaines de ses esclaves, à qui il laissa terres et argent. Son immense fortune (héritée, enrichie et renforcée par des actions dans le chemin de fer de Trinidad) aurait alimenté bien des convoitises. Selon une légende locale, lorsqu'il découvrit le complot de sa femme et de ses fils visant à l’éliminer, il fit venir 24 coffres en bronze d’Angleterre, les remlit d’or, et les enterra dans sa propriété de Lagunita… avant de tuer les 12 escalves qui l’avaient aidé, pour s’assurer que le secret ne soit jamais révélé. Depuis, chercheurs de trésors et curieux ont fouillé chaque recoin de la demeure. Seuls quelques fragments de céramique, outils agricoles et instruments de torture ont été mis au jour. Quant à l’or, il reste introuvable.

Outre son histoire trouble, la maison attire aussi pour ses rumeurs surnaturelles. Des pas sans cause, des fauteuils qui bougent seuls, des ombres furtives… Certains guides affirment avoir été témoins de phénomènes étranges, ce qui alimente la réputation de maison hantée. Pourtant, au-delà des mystères, la beauté de l’architecture ne laisse personne indifférent. Entre fresques d’inspiration européenne, grands portiques et pièces d’époque, la visite de Guaimaro transporte le visiteur dans un univers à la fois élégant et dérangeant. Car derrière l’apparente noblesse des lieux se cache la réalité d’un système fondé sur l’exploitation humaine, dont les traces restent inscrites dans les murs.

Symbole restauré de la mémoire sucrière cubaine

Parmi les joyaux du Valle de los Ingenios, la Hacienda-Musée Guaimaro incarne avec force la volonté de préserver l’héritage colonial et industriel de Trinidad. Depuis l’an 200, l’Oficina del Conservador de Trinidad y el Valle de los Ingenios mène un vaste programme de restauration visant à sauver les vestiges les plus emblématiques de la région. Guaimaro fut l’un des premiers sites à bénéficier de cette initiative, aux côtés de Buena Vista et San Isidro de los Destiladeros, formant ensemble un véritable musée à ciel ouvert.

La renaissance de Guaimaro ne fut pas sans défi. Après avoir servi de refuge à plusieurs familles déplacées par un ouragan, la maison avait perdu une grande partie de sa splendeur : les fresques murales avaient été recouvertes, et les structures dégradées. C’est à l’occasion des 500 ans de la ville de Trinidad, en 2014, que l’on entreprit de rendre à la demeure son éclat d’origine, sous la direction de l’entreprise Aldaba.

Aujourd’hui, transformée en Musée du Sucre, la maison hacienda offre un remarquable témoignage du mode de vie des grands planteurs. Le parcours à travers ses pièces permet d’admirer un mobilier reconstitué, des décors d’époque, et surtout, les sublimes fresques européennes réalisées en 1859 par Daniel Dall’Aglio, artiste et architecte italien ayant également œuvré dans les grandes demeures de Trinidad.

Le Musée Guaimaro est considéré comme un modèle de restauration patrimoniale à Cuba. Il illustre la capacité des institutions locales à valoriser le passé industriel des Antilles tout en le rendant accessible au public. En juillet et août, la maison est incluse dans les visites guidées organisées par l’Office du Conservateur, attirant à la fois les curieux et les passionnés d’histoire. Plus qu’un musée, Guaimaro est devenu un lieu de mémoire vivante, où architecture, art et histoire racontent ensemble les grandeurs et les douleurs de l’époque sucrière cubaine.

Que voir dans la Hacienda-Musée Guaimaro ?

Depuis les hauteurs du Valle de los Ingenios, la Hacienda-Musée Guaimaro accueille les visiteurs dans un décor figé au XIXe siècle. Derrière sa façade sobre, le musée abrite :

  • Une salle principale majestueuse, ornée de fresques signées Daniel Dall’Aglio, représentant des paysages bucoliques, des châteaux en ruine et des bâtiments néoclassiques baignés de lumière naturelle.
  • Deux chambres intérieures et deux anciens bureaux (despachos) où les maîtres des lieux géraient leurs affaires.
  • Une salle à manger soigneusement conservée, meublée d’objets d’époque.
  • Une chapelle privée, unique dans toute la vallée, attenante à la maison principale. Elle abrite un missel romain posé sur un lutrin en bronze incrusté d’émeraudes, un bénitier en porcelaine française, ainsi qu'une réplique du Christ du cimetière de Trinidad. Une bible ornée de pierres précieuses y est exposée sans aucune protection.
  • Un trapiche (moulin à sucre), des entrepôts, et des vestiges industriels en cours de restauration, rappellent la vocation initiale du site.
  • Une exposition d’objets anciens : mobilier, outils agricoles, documents d’époque et témoignages liés à l’eslavage et à l’industrie sucrière.

À quelques centaines de mètres de la maison, il est possible de visiter l’ancienne zone des baraquements d’esclaves et le cimetière, mémoire douloureuse d’un système brutal. On y voit encore des chaînes, des entraves et des instruments de torture, précieusement conservés et exposés par les habitants de la région, aux côtés d’anciens outils de travail.

Comment s’y rendre ?

À une vingtaine de kilomètres de Trinidad, sur la route de Sancti Spiritus, la Hacienda-Muse Guaimaro se dresse en témoin silencieux d’un passé colonial prospère. Accessible notamment en été grâce à des circuits guidés ou à bord d’un train touristique local, Guaimaro mérite amplement sa place dans tout itinéraire consacré au patrimoine du Valle de los Ingenios.

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