Château de San Severino - Guide Cuba - Cuba Criolla

Château de San Severino

Monument chargé de mémoire et d’histoire, le château de San Severino se dresse à l’entrée de la baie de Matanzas, sur la côte nord de Cuba. Construit à la fin du XVIIe siècle par les colons espagnols, ce bastion imposant veillait autrefois sur la ville et protégeait le port des invasions étrangères. Aujourd’hui restauré, le Castillo de San Severino a troqué ses canons pour les vitrines du Musée national de la Route de l’Esclave, dédié à la transmission de cette histoire complexe. Entre architecture coloniale et mémoire vivante, le château de San Severino invite chaque visiteur à un voyage dans le temps, au cœur des racines multiples de l’identité cubaine.

Histoire

Origines et projet de fortification

L’idée de fortifier la baie de Matanzas remonte au milieu du XVIIe siècle, lorsque le gouverneur Francisco Gedler de Catalayud y Toledo proposa au roi Philippe IV la construction d’une défense côtière. Le projet fut d’abord refusé, la priorité étant donnée à la fortification de La Havane.

Ce n’est qu’en 1682 que le roi approuva un nouveau plan, conçu par l’ingénieur militaire Juan de Ciscara et soutenu par Don José Fernández  de Córdoba y Ponce de León. Le site choisi se trouvait à l’entrée de la baie, un emplacement stratégique pour contrôler l’accès maritime.

Le 12 octobre 1693, la ville de Matanzas fut fondée officiellement, et le lendemain, la première pierre du fort fut bénie et posée par le gouverneur Severino de Manzaneda. Cela donna à la forteresse son nom initial, San Carlos de Manzaneda, avant qu’elle ne devienne le Castillo de San Severino.

Construction et architecture militaire

Les travaux commencèrent en 1693, mais furent interrompus en 1697 faute de moyens financiers et humains. L’ingénieur Antonio Arredondo relança le chantier en 1731, et le fort fut achevé entre 1745 et 1746.

Le Castillo de San Severino est un parfait exemple de l’architecture militaire espagnole du XVIIIe siècle : murs épais en pierre, bastions angulaires, douves sèches, pont-levis et canons tournés vers la mer. Son plan carré, renforcé de tours aux quatre angles, évoque celui des châteaux médiévaux, d’où son appellation de “château”.

Destruction et reconstruction

En 1762, lors de la prise de La Havane par les Anglais, le commandant Antonio Garcia de Solis (ou Felipe Solis Garcia selon certaines sources) décida de faire sauter la forteresse à la poudre noire pour éviter qu’elle ne tombe entre les mains britanniques. Gravement endommagé, le fort resta abandonné pendant 10 ans. Sa reconstruction débuta en 1772 sous la direction de Joaquín de Perazas et s’acheva en 1789, rendant au château son rôle de gardien militaire de la ville et du port.

Fonctions successives et transformations

Après sa restauration, le château de San Severino servit successivement de :

  • Bâtiments des douanes entre 1774 et 1793
  • Commandement du système défensif de Matanzas entre 1818 et 1850 (intégré à un ensemble de fortifications comprenant San José de la Vigia, El Morrillo, et Peñas Atlas).

À partir de 1821, le Castillo de San Severino devint une prison militaire, accueillant les indépendantistes des Soles y Rayos de Bolivar (1823) et les accusés du procès de l’Échelle  (1844).

Durant la guerre d’indépendance de 1895, des patriotes cubains y furent également enfermés. Sous la République (1902-1958) , le fort servit encore de prison pour les révolutionnaires opposés aux régimes en place.

Empreinte de l’esclavage et de la mémoire

Le Castillo de San Severino fut construit en grande partie pour des esclaves africains et leurs descendants, contraints à travailler dans des conditions inhumaines. Des traces gravées sur les pierres témoignent encore de leur labeur : des marques comptant les tâches quotidiennes imposées par les maîtres.

Au XVIIIe siècle, le fort servit aussi de point de débarquement pour les esclaves venus d’Afrique, destinés aux plantations sucrières de Matanzas - l’une des régions les plus touchées par la traite négrière de Cuba.

Il faut rappeler que Cuba connut l’esclavage de 1511 à 1886, et près de 40 % des esclaves africains amenés dans les colonies espagnoles furent envoyés sur l’île. Le château de San Severino conserve donc une mémoire douloureuse, celle des chaînes, des révoltes et de la quête de liberté.

Déclin, restauration et reconnaissance patrimoniale

À l’origine, les eaux de la baie de Matanzas atteignaient la porte du château, mais la construction d’une route en 1910 l’isola du rivage. Le fort connut ensuite une longue période d’abandon avant d’être partiellement restauré au XXe siècle. En 1978, le Castillo de San Severino fut classé Monument national de la République de Cuba, reconnaissance officielle de son importance historique, architecturale et mémorielle.

Le musée national de la Route de l’Esclave

Depuis 2009, le château de San Severino abrite le Musée national de la Route de l’Esclave (Museo Nacional Ruta del Esclavo), inauguré officiellement le 16 juin. Ce musée est intégré au programme international de l’UNESCO pour la mémoire de l’esclavage et au réseau du Conseil national du patrimoine culturel de La Havane. Son objectif est de préserver, documenter et transmettre l’histoire de la traite transatlantique et de rendre hommage aux Africains déportés ainsi qu’à leur héritage culturel durable dans les Caraïbes, en Amérique latine et à Cuba.

Le musée s’inscrit dans le projet “La Route de l’Esclave”, lancé en 1997 à l’initiative d’Haïti et de plusieurs pays d’héritage africain membres de l’UNESCO. Ce programme international vise à dénoncer les horreurs de l’esclavage, à préserver la mémoire des peuples réduits en servitude et à favoriser le dialogue interculturel entre les sociétés issues de cette histoire commune. Le Musée de la Route de l’Esclave fait partie d’une réseau caribéen dédié à la valorisation de cette mémoire et à la reconnaissance du patrimoine afro-descendant.

Grâce à sa proximité avec l’Université Camilo Cienfuegos, qui accueille des étudiants de 20 pays africains, le musée devient un lieu d’échanges interculturels. La Fédération des étudiants universitaires y organise des célébrations de la Journée de l’Afrique et des fêtes d’indépendance nationales, mêlant arts, musique, religion et gastronomie africaine. Ces événements renforcent le lien entre patrimoine africain, jeunesse et identité cubaine, tout en célébrant la diversité des cultures du continent.

Que voir au château de San Severino ?

Les quatre salles du musée

Les expositions permanentes du musée de la Route de l’Esclave, réparties en 4 espaces thématiques, plongent le visiteur au coeur de la mémoire afro-cubaine et de l’histoire du fort :

  1. La maison du Commandant introduit la visite par une présentation du site fortifié, de sa construction et de son rôle dans la défense de Matanzas.
  2. La salle archéologique rassemble des objets et vestiges coloniaux, témoins du quotidien des habitants et des esclaves de l’époque.
  3. La salle de l’esclavage expose photographies, objets, cartes et témoignages évoquant les conditions de vie, les punitions, la résistance et la force spirituelle des esclaves. Certaines pièces évoquent la pratique du calimbo, le marquage au fer rouge, symbole de la déshumanisation.
  4. La salle des Orishas, la plus singulière, est dédiée aux divinités africaines issues de la religion afro-cubaine. On y découvre des sculptures grandeur nature issues de tapisseries colorées représentant les univers de chaque Orisha, ainsi que des tambours rituels utilisés dans les cérémonies. Cette salle incarne toute la richesse de la spiritualité afro-cubaine, mêlant légendes, rites et symboles.

Les extérieurs du fort

Outre les salles du musée, la visite permet d’explorer la structure défensive du Castillo de San Severino :

  • Les bastions et douves, remarquablement conservés, offrent une vue panoramique sur la baie de Matanzas.
  • Les cellules et cachots, sombres et étroits, rappellent la fonction carcérale du lieu et les conditions de détention éprouvantes.
  • La chapelle et la cour intérieure, baignées de lumière, accueillent régulièrement des événements culturels et commémoratifs.

Les expositions temporaires et activités culturelles

En plus de ses collections permanentes, le musée de la Route de l’Esclave abrite l’exposition “Afro-América : la troisième racine”, un ensemble de 14 sculptures réalisées par l’artiste cubain Lorenzo Padilla, illustrant la profonde influence africaine dans les cultures ibéro-américaines. Tout au long de l’année, le musée organise des ateliers, conférences, projections et activités éducatives, en collaboration avec des chercheurs, étudiants et institutions culturelles. Ces initiatives visent à renforcer la connaissance historique et à préserver la mémoire collective.

Le musée collabore aussi avec de nombreuses organisations afro-descendantes et soutient des groupes culturels africains implantés dans la province de Matanzas. Le site accueille également des manifestations religieuses et artistiques liées à la Santeria, au Palomonte ou aux sociétés abakuá , ainsi que des concerts de musique traditionnelle.

Informations pratiques

Le Musée de la Route de l’Esclave, installé dans le château de San Severino, accueille les visiteurs du mardi au dimanche de 9h à 16h (jusqu'à 17h selon la saison). L’entrée coûte environ 2 CUC, avec un supplément d’1 CUC pour utiliser un appareil photo. Les expositions, présentées principalement en espagnol et parfois en anglais, se découvrent en environ 1h30. Pour mieux comprendre l’histoire et la symbolique du lieu, la visite accompagnée d’un guide local est vivement conseillée.

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